L’euro explose face au dinar sur le marché parallèle en Algérie, atteignant des niveaux quasi historiques. Une série de facteurs, de la saison du Hajj à la reprise des importations, en passant par les vacances d’été, alimente une demande croissante pour la devise européenne.
Sur les étals informels des grandes villes algériennes, le taux de change de l’euro ne cesse de grimper, frôlant les sommets. Le marché informel des devises, bien qu’officiellement illégal, reste une référence incontournable pour les citoyens en quête de devises étrangères, et particulièrement d’euros. Ces derniers jours, 100 euros s’échangeaient contre 26 150 dinars, soit presque le record historique atteint en décembre dernier. Cette hausse rapide, visible à l’œil nu dans les files d’attente devant les cambistes de rue, n’est pas un simple emballement ponctuel. Elle est le reflet d’un enchevêtrement de facteurs structurels et conjoncturels.
La montée de l’euro ne découle pas d’un changement dans la politique monétaire européenne ni d’une chute brutale du dinar sur les marchés officiels. Elle se joue dans un univers parallèle, celui du marché informel, qui fonctionne selon ses propres règles, dictées par l’offre, la demande, et l’anticipation des besoins en devises.
L’euro explose face au dinar alimenté par la demande
Parmi les causes les plus directes de cette flambée figure le retard dans l’entrée en vigueur de l’allocation touristique. Fixée à 750 euros par adulte et par an, cette allocation, bien que promise, tarde à être réellement appliquée. Ainsi, ceux qui souhaitent voyager à l’étranger, que ce soit pour le tourisme ou pour rendre visite à des proches, n’ont d’autre choix que de se tourner vers le marché parallèle. Cela alimente directement la demande en devises, et particulièrement en euros, sur le circuit informel.
Ce phénomène est d’autant plus marqué à l’approche des grands événements religieux comme le Hajj 2025. Les premiers vols vers La Mecque étant imminents, de nombreux pèlerins ont besoin de devises pour couvrir leurs dépenses personnelles. Si l’État prend en charge une partie du coût du pèlerinage, les frais annexes, eux, doivent souvent être couverts en devise. Encore une fois, le marché informel devient une solution privilégiée. Cette tension saisonnière se traduit par une pression haussière sur le taux de change de l’euro face au dinar.
Importation de véhicules et vacances d’été comme facteurs secondaires mais puissants

Au-delà des besoins religieux et touristiques, la reprise des importations de véhicules, aussi bien neufs que d’occasion de moins de 3 ans, a provoqué un regain d’intérêt pour l’euro sur le marché informel. Bien que ces opérations soient encadrées, nombre d’Algériens préfèrent recourir à des circuits non officiels pour financer l’achat de leurs voitures, notamment quand il s’agit de payer des fournisseurs à l’étranger. Cette nouvelle dynamique, alimentée par une demande longtemps contenue, vient renforcer la tendance haussière.
À cela s’ajoute une anticipation de la période estivale. Les congés d’été sont synonymes de voyages à l’étranger pour de nombreux ménages, notamment en Tunisie ou dans certains pays européens. Dans un contexte où le taux de change évolue de façon imprévisible, beaucoup préfèrent acheter leurs devises bien à l’avance, quitte à les payer plus cher aujourd’hui plutôt que risquer une envolée encore plus marquée demain. Cette stratégie d’achat anticipé provoque un pic de demande en amont de la saison estivale, contribuant à maintenir le cours de l’euro à des niveaux élevés.
Une mécanique difficile à enrayer pour les autorités
Derrière cette hausse de l’euro face au dinar, c’est aussi l’absence d’une alternative crédible et accessible qui pousse les citoyens vers le marché parallèle. Le système bancaire formel, malgré certaines tentatives de réforme, est jugé par les citoyens comme rigide, bureaucratique et inadapté à leurs besoins courants. Sans accès facilité aux devises, les Algériens restent dépendants d’une sphère parallèle devenue incontournable, mais volatile.
L’alignement de ces quatre facteurs, le blocage de l’allocation touristique, la préparation du Hajj 2025, la reprise des importations de voitures et les voyages estivaux, crée un effet de synergie qui tire vers le haut le prix de l’euro. Ce phénomène, bien que ponctuel à première vue, s’inscrit dans une dynamique plus profonde de déséquilibre entre l’offre et la demande de devises en Algérie.
Alors que le seuil symbolique des 26 200 dinars pour 100 euros se rapproche à nouveau, les observateurs guettent les réactions du gouvernement et du système bancaire. Mais pour les cambistes des rues, l’heure n’est pas à l’analyse : l’euro est roi, et le dinar, toujours en quête d’un souffle.