Entre fiscalité avantageuse, cadre de vie exceptionnel et stabilité politique, la Suisse séduit les grandes fortunes du monde entier. Grâce au visa doré suisse, il est possible d’obtenir un permis de séjour sans lien familial ou professionnel, à condition d’y mettre le prix. Un privilège aussi convoité que controversé.
Le visa doré suisse est devenu en quelques années l’un des outils les plus prisés par les personnes fortunées souhaitant s’installer en Suisse sans passer par les voies classiques de l’emploi ou du regroupement familial. Ce permis de séjour, officiellement appelé « autorisation d’établissement pour intérêt public majeur », permet à des ressortissants extra-européens d’obtenir une résidence fiscale en échange d’un impôt annuel important, à partir de 250’000 francs suisses selon le canton.
Si ce mécanisme suscite l’intérêt des élites mondiales, Russes, Britanniques, Américains ou Chinois, il alimente aussi les débats sur la justice fiscale et les inégalités de traitement. Nous vous expliquons comment obtenir le visa doré suisse, qui peut en bénéficier, dans quelles conditions, et pourquoi ce dispositif est à la fois un atout économique et un sujet politique brûlant.
Le sésame discret des grandes fortunes
En Suisse, les montagnes ne sont pas les seules à attirer les regards, depuis plusieurs années, un autre sommet aiguise l’intérêt des plus fortunés du monde, le fameux « visa doré suisse ». Un dispositif légal, certes discret, mais en plein essor. Il permet à des ressortissants de pays tiers d’obtenir un permis de séjour en échange d’une importante contribution fiscale. Une porte d’entrée sur le territoire helvétique que seuls les plus riches peuvent se permettre… mais qui séduit de plus en plus.

Une formule en croissance, +22% en deux ans
Selon les chiffres officiels du Secrétariat d’État aux migrations, 496 personnes étaient titulaires d’un visa doré en Suisse en mars 2025. Cela représente une progression fulgurante, +22% par rapport à 2023. Le phénomène n’est pas anodin. Derrière ces chiffres se dessine une stratégie fiscale et géopolitique bien précise. Genève, Valais, Tessin et Vaud sont les cantons les plus sollicités, des régions à la fois fiscalement attractives et internationalement réputées. Genève, avec ses institutions, son aéroport et sa tradition d’accueil, tient le haut du classement.
Une porte ouverte dès 250’000 francs d’impôts
Le principe du visa doré repose sur l’article 30 de la loi sur les étrangers et l’intégration, qui autorise l’octroi d’un permis de séjour pour des « motifs d’intérêt public majeur ». En clair : une personne très riche, originaire d’un pays hors Union européenne ou AELE, peut se voir accorder un droit de résider en Suisse si elle s’engage à payer un montant d’impôt annuel conséquent. Ce seuil fiscal dépend du canton :
- 250’000 CHF/an à Obwald
- 500’000 CHF/an à Berne (comme pour Robbie Williams)
- Jusqu’à 1 million de CHF/an à Zurich
L’objectif ? Compenser le manque de lien économique ou familial avec la Suisse par une forte contribution au budget public. Ce mécanisme ne donne pas automatiquement droit à la naturalisation, mais permet une vie confortable en Suisse, dans des conditions privilégiées.

Top 10 des cantons suisses qui délivrent le plus de visas dorés (mars 2025)
Canton | Visas dorés délivrés | Indice de popularité |
---|---|---|
Genève | 117 | ████████████████████████ |
Valais | 61 | ███████████████ |
Tessin | 56 | █████████████ |
Vaud | 45 | ████████████ |
Zoug | 41 | ███████████ |
Berne | 32 | █████████ |
Obwald | 26 | ███████ |
Neuchâtel | 15 | ████ |
Argovie | 14 | ███ |
Uri | 14 | ███ |
Ces chiffres correspondent aux autorisations de séjour accordées pour « intérêt public majeur »
mars 2025 – Source : Secrétariat d’État aux migrations
Qui sont les détenteurs de visas dorés en Suisse ?
Pendant longtemps, les Russes dominaient largement le classement. Depuis le début du conflit en Ukraine, leur présence n’a pas diminué. Mais de nouveaux profils émergent rapidement, les Chinois, les Américains et, surtout, les Britanniques.
Le cas le plus emblématique reste celui du chanteur Robbie Williams, installé à Gstaad (BE) depuis 2023, après un passage à Vandœuvres (GE). Avec plus de 500’000 CHF d’impôts par an, il incarne le « visa doré » dans toute sa splendeur, prestige, discrétion, et contribution fiscale assurée.
L’intérêt ne se limite pas à l’Europe. À Zurich, des avocats spécialisés, comme Enzo Caputo, constatent une demande croissante venue d’Asie, du Moyen-Orient, et des États-Unis. « Dans un monde instable, les personnes fortunées cherchent des refuges fiscaux sûrs et politiquement stables. La Suisse incarne exactement cela », explique-t-il.
Contrairement à d’autres pays comme le Portugal, où un simple séjour de quelques jours permettait autrefois de prétendre à la naturalisation après cinq ans, la Suisse impose des conditions de résidence et de fiscalité strictes, qui en font un club ultra-sélectif.
Un dispositif légal… mais controversé
Ce régime, bien qu’encadré par la loi, ne fait pas l’unanimité. Certains partis politiques, notamment le Parti socialiste suisse et Les Verts, dénoncent une discrimination fiscale. Pour Andrea Zryd (PS/BE), le système des visas dorés crée une inégalité de traitement flagrante : « Ceux qui ont de l’argent peuvent contourner des règles que les autres doivent respecter à la lettre. »
La polémique s’intensifie surtout autour des riches Russes. Dans un pays où les oligarques sont souvent soupçonnés de liens étroits avec le pouvoir, l’accueil généreux qui leur est réservé dérange. Zryd appelle à « tirer la sonnette d’alarme », pour elle, le fait que ces personnes puissent encore bénéficier du système helvétique pose un véritable problème éthique.
Et dans le reste de l’Europe ?
L’Union européenne, de son côté, est en train de resserrer la vis. Des pays comme Chypre, Malte ou la Bulgarie ont dû supprimer leurs programmes de « citoyenneté contre investissement » (CBI). En cause, le risque de blanchiment, d’évasion fiscale, et d’entrée non contrôlée sur le territoire européen. La Cour de justice de l’UE a récemment obligé Malte à mettre fin à son programme, jugeant que ces pratiques portaient atteinte à la coopération loyale entre États membres.
Alors, comment obtenir le visa doré suisse ? La réponse est simple sur le papier, être très riche, venir d’un pays hors UE/AELE, et proposer une contribution fiscale jugée « d’intérêt public ». En pratique, il faut aussi être prêt à affronter un encadrement juridique strict, des variations cantonales importantes, et une certaine dose de critiques médiatiques.
Mais dans un monde où l’instabilité fiscale, géopolitique et sociale est en pleine montée, la Suisse continue de jouer la carte de la discrétion, de la stabilité et de l’élégance fiscale. Et pour ceux qui en ont les moyens, ce visa doré reste une porte d’entrée exclusive vers l’un des pays les plus enviés au monde.