Les Italiens sont appelés aux urnes ce dimanche et lundi pour se prononcer sur une réforme unique, faciliter l’accès à la nationalité italienne pour les étrangers en réduisant la durée de résidence requise de 10 à 5 ans. Un référendum défendu par les syndicats et les associations, mais combattu farouchement par le gouvernement Meloni, qui appelle à boycotter le scrutin.
Sur les murs défraîchis de Rome, des affiches usées par la pluie appellent les citoyens à « voter pour une Italie plus juste ». Dans les couloirs du métro, des militants tendent des tracts, pendant que d’autres détournent le regard, pressés, indifférents ou tout simplement fatigués. Ce week-end, l’Italie ne vote pas pour élire un président ni pour trancher une réforme économique majeure, mais pour quelque chose de plus intime et invisible, le droit d’appartenir.
Derrière ce référendum, une question simple, faut-il réduire de dix à cinq ans le délai nécessaire pour qu’un résident étranger puisse devenir citoyen italien ? Une question simple en apparence, mais qui touche des millions de vies. Et qui réveille, dans les rues et les urnes, un débat tendu entre ouverture et repli, reconnaissance et rejet.

Une réforme pour réduire la durée d’obtention de la nationalité italienne
Cela faisait des années que les ONG, les syndicats et une partie de la classe politique italienne réclamaient un changement. Trop de délais, trop de blocages administratifs, trop d’enfants nés sur le sol italien qui doivent attendre leur majorité pour espérer devenir citoyens.
Ce week-end, l’Italie a enfin l’occasion de trancher. Un référendum populaire, soutenu par la gauche et plusieurs organisations de défense des droits humains, propose de réduire à cinq ans la durée de résidence exigée pour demander la nationalité italienne. Aujourd’hui, elle est fixée à dix ans pour les étrangers n’ayant ni lien de parenté, ni mariage avec un citoyen italien. Un délai parmi les plus longs d’Europe. Pour ceux qui vivent en Italie depuis des années, paient des impôts, travaillent, élèvent leurs enfants… la réforme représente un pas vers l’inclusion.
Mais dans ce débat, l’opposition est vive. Et elle vient du plus haut niveau de l’État. La cheffe du gouvernement, Giorgia Meloni, s’y oppose fermement. Pour elle, la législation actuelle suffit largement. « L’Italie est déjà l’un des pays européens qui naturalise le plus« , a-t-elle déclaré jeudi. En 2023, plus de 213 500 personnes ont obtenu la nationalité italienne, un chiffre en forte hausse par rapport à 2020.
Son parti d’extrême droite, Fratelli d’Italia, appelle d’ailleurs les électeurs à s’abstenir, misant sur un échec du référendum faute de participation suffisante. Il faut en effet qu’au moins 50 % des électeurs inscrits plus une voix participent pour que le scrutin soit valide.
Un référendum qui pourrait changer la vie de 2,5 millions de personnes
Selon les promoteurs du référendum, si la réforme passe, environ 2,5 millions de personnes pourraient en bénéficier. Beaucoup sont originaires d’Albanie, du Maroc, de Tunisie, mais aussi d’Amérique du Sud, notamment d’Argentine et du Brésil, où vivent d’importantes communautés d’origine italienne.
Cette réforme n’inclut pas les enfants nés sur le territoire, une autre revendication récurrente, mais elle allège un processus jugé trop lent et trop opaque. Aujourd’hui, même après dix ans de résidence, les délais administratifs pour finaliser une naturalisation peuvent prendre plusieurs années.
Au-delà de la question de la nationalité, ce référendum en cache un autre. Ou plutôt, quatre autres. Sur le bulletin de vote, les électeurs se prononcent aussi sur des réformes du droit du travail, notamment l’encadrement des contrats précaires et le renforcement des protections contre les licenciements.
C’est la confédération syndicale CGIL, historiquement proche de la gauche, qui a initié cette dynamique populaire. Elle entend inverser une logique économique perçue comme trop favorable aux entreprises, et trop dure pour les salariés. « Nous voulons une société où la dignité du travail prime sur les intérêts du marché », a déclaré Maurizio Landini, secrétaire général de la CGIL.
Une bataille pour le cœur de l’électorat populaire
Face à Meloni, qui reste en tête dans les sondages avec environ 30 % d’intentions de vote, le Parti démocrate tente de reconstruire son lien avec l’électorat populaire. Il soutient le référendum, malgré ses propres responsabilités dans l’adoption de certaines lois contestées dans le passé.
En toile de fond, il y a la bataille pour les classes populaires, souvent premières concernées par la précarité et l’exclusion. Ce vote cristallise donc un clivage social et culturel profond, d’un côté, une Italie qui veut fermer les portes, de l’autre une Italie qui veut reconnaître ceux qui vivent déjà sur son sol.
Ce référendum va bien au-delà de la seule réforme de la nationalité italienne. Il interroge la vision que l’Italie a d’elle-même, pays d’accueil ou de rejet ? Nation fermée ou inclusive ? Europe fidèle à ses racines humanistes ou en repli identitaire ? À quelques heures de la clôture du scrutin, une chose est sûre, quelle que soit l’issue du vote, le débat sur l’intégration, la citoyenneté et les droits sociaux est relancé. Et il résonne bien au-delà des frontières italiennes.